HOMO
PLASTICUS

Un article de Fabien Goubet

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La Terre digère mal les cinq milliards de tonnes de plastique que l’homme a jetées dans la nature. Scientifiques, entrepreneurs ou simples citoyens tentent d’apporter des solutions à cette crise environnementale qui nous concerne tous

Texte: Fabien Goubet
  •  Illustrations: Florent Collioud, César Greppin, Flaticon
  •   Photos: Eddy Mottaz, Dom Smaz, Olivier Vogelsang
  •   Vidéo: Olivier Kowalczyk
  •   Webdesign et animation: César Greppin

Une plage ensoleillée, le doux ressac de l’eau… et, par terre, détonnant sur le sable brunâtre, une multitude de petits points colorés. Rouges, bleus, verts ou encore violets, ils ne sautent pas immédiatement aux yeux du promeneur. Mais une fois le regard accoutumé, impossible de ne plus voir ces minuscules billes et ces bâtonnets de cotons-tiges.

Nul besoin de se rendre à l’autre bout du monde pour constater l’invasion des plastiques. Sur les plages du Léman aussi, ce matériau s’est petit à petit incrusté dans le paysage. Il pollue l’eau, salit les rives, enlaidit le paysage. Et finit invariablement par gagner la mer où ses effets sur la santé et l’environnement sont redoutés.

L’homme s’est rendu malade de son plastique, qu’il produit dans des quantités ahurissantes. Il est temps d’y remédier.

Le plastique, c'est fantastique

Il faut le reconnaître: si le plastique n’existait pas, il faudrait l’inventer. Principalement dérivé du pétrole, ce matériau dispose de propriétés presque sur mesure. Tantôt souple, tantôt solide, résistant ou au contraire malléable à la chaleur…, cette néo-argile entièrement synthétique est façonnée à l’envi par les chimistes.

Son succès est indissociable de l’essor de l’industrie chimique au début du XXe siècle, qui marque le début de ce que certains appellent le «plasticocène», l’ère du plastique. Le premier plastique à être massivement produit fut la bakélite, matière 100% synthétique mise au point en 1907 par le chimiste américano-belge Leo Baekeland. On le retrouvait notamment dans les téléphones fixes à cadran. A partir de là, les progrès de la chimie ont entraîné une avalanche de nouvelles matières plastiques qui révolutionnèrent le quotidien: collant synthétique en 1910, intérieur de voiture en 1916, bande scotch et film cellophane en 1930, nylon en 1935…, la liste est longue.

Le plastique a donc pour lui une longue histoire de matériau miracle. Mais c’est justement ce succès foudroyant qui est aujourd’hui à la racine du problème. Il a conduit à son omniprésence et à son abondance, qui sont devenues les grands défauts de ses qualités.

De 15 millions de tonnes en 1960, la production a grimpé à un rythme exponentiel pour s’établir à plus de 300 millions de tonnes aujourd’hui, dont environ 40% destinés aux emballages.

L’impossible bilan

Mener l’inventaire d’une telle pollution n’a rien d’une sinécure. Des scientifiques des universités de Géorgie et de Californie l’ont pourtant fait. Leur compte rendu fut publié dans la revue Science Advances en 2017.

Roland Geyer et son équipe ont déterminé que 8,3 milliards de tonnes de plastique avaient été produites entre 1950 et 2015. Sur cette quantité, 6,3 milliards de tonnes ont été jetées, devenant des déchets très peu biodégradables dont seulement 9% ont été recyclés, 12% incinérés. Le reste, soit 4,9 milliards de tonnes, a atterri dans des décharges ou dans la nature. La plupart terminent leur périple dans les océans, où plus de 8 millions de tonnes sont déversées chaque année.

Toujours selon la même étude américaine, si l’on devait tout rassembler au même endroit, la totalité des plastiques abandonnés depuis 1950 rempliraient une décharge de 70 mètres de profondeur pour 57 km2 de surface – soit un peu plus que la taille de la ville de Berne. A la cadence actuelle et si rien n’est fait, il y aura environ 12 milliards de tonnes de déchets plastiques dans les décharges ou dans la nature d’ici à 2050 – et autant de plastique que de poissons. Les données de cette étude proviennent toutefois de statistiques de la Banque mondiale ou des instances nationales, et non de véritables mesures effectuées sur le terrain, laissant craindre un bilan réel bien plus grave. «Les flux de plastique dans l’environnement sont difficilement modélisables à grande échelle», confirme Delphine Wenger, doctorante en sciences de l’environnement au Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (Empa) à Saint-Gall.

Avec de solides filières de valorisation et de recyclage, un tel appétit pour ces matières serait moins préoccupant. Mais rien n’est simple avec la fin de vie du plastique, qui n’est pas un matériau unique mais une famille comptant des centaines de membres. On en distingue sept grands groupes avec leurs propres contraintes de fin de vie, signalés par des pictogrammes avec trois flèches formant un triangle – logos qui laissent supposer, à tort, la possibilité d’un recyclage.

En conséquence, bien des pays occidentaux exportaient leurs déchets plastiques en vrac vers la Chine. Mais coup de théâtre, fin 2017: le pays en a eu assez d’être la poubelle du monde et a cessé ce commerce. Au risque de laisser les pays européens avec leurs poubelles sur les bras? Non, l’export devrait se diriger vers d’autres acheteurs, estiment les experts contactés.

Il pourrait même s’agir d’une opportunité à saisir, estime Xavier Prudhomme, directeur de l’usine de recyclage RC-Plast, filiale de Cand-Landi à Grandson. «Est-ce que les plastiques exportés sont recyclés? Brûlés? Enterrés? On ne sait jamais ce qu’ils deviennent réellement.» Autant s’en occuper sur place, d’après lui.

Qui plastifie les océans? Tourisme, agriculture, eaux usées et pêcheries sont les principaux secteurs coupables. Avec 80% du plastique jeté dans la nature, la Chine, la Thaïlande, les Philippines, l’Indonésie et le Vietnam seraient les plus gros pollueurs d’après un rapport de l’organisation Ocean Conservancy. Une autre étude publiée en 2017 a estimé que 90% du plastique arrivant par les rivières le serait via seulement dix cours d’eau, huit en Asie et deux en Afrique. Pour le dire simplement, les pays pauvres, dépourvus de systèmes efficaces de collecte des déchets sont les plus pollueurs.

Mais les pays riches polluent eux aussi, et la Suisse n’y échappe pas. Car plus un pays est riche, plus il produit de déchets. Il suffit de jeter un œil aux statistiques de l’Office fédéral pour l’environnement (OFEV) pour s’en convaincre. Avec 730 kilos de déchets par habitant et par an, la Suisse est vice-championne d’Europe du remplissage de poubelles, derrière le Danemark.

LES SUISSES SONT MAUVAIS ÉLÈVES en termes de déchets plastiques avec une production de 94 kg par habitant en 2015. (Source: AFP)

Mais question plastique, elle surclasse tous ses adversaires avec environ 94 kilos de déchets par habitant et par an, soit trois fois plus que la moyenne européenne. «En Suisse, la quantité de plastique qui finit dans la nature, ou 'plastic leakage', est de 0,3%, un des plus bas au monde, tempère Sébastien Humbert, expert environnemental au cabinet de conseil en développement durable Quantis à Lausanne. Mais cela n'empêche pas d'y faire attention».

Sur le million de tonnes de plastiques en tous genres consommés chaque année en Suisse, seul un quart est utilisé sur le long terme (pour la construction, par exemple). Les trois quarts restants sont immédiatement jetés. Une immense partie (80%) de ce rebut est incinérée pour produire de l’énergie, le plastique n’étant plus stocké dans des décharges depuis 2000. 10% restants sont recyclés, principalement les bouteilles en PET, dont le taux de recyclage est une fierté nationale avec 83%, l’un des plus élevés du monde derrière l’Inde et ses 90%.

Pourquoi seulement 10% de recyclage? Parce qu’une fois utilisé, le plastique ne sert plus à rien. Il est même souvent moins cher d’en fabriquer d’autre, plutôt que de le recycler. Et cela quand bien même son incinération émet des cendres et fumées toxiques, ou que la production d’une tonne de plastique recyclé génère de 1 à 3 tonnes de CO2 en moins par rapport au plastique tiré du pétrole…

Mais plus que de jongler avec des chiffres, le mieux, pour se rendre compte de la pollution, reste de se tourner vers les lacs et les cours d’eau. L’opération de nettoyage Net’Léman en est une triste illustration. Menée tous les deux ans sur quelques rives du lac, elle a cette année permis de sortir de l’eau et du sable 5492 kg de déchets, dont 1000 de plastique, principalement des emballages de nourriture, des pailles, des couverts et des bouteilles. Pour les besoins de cet article, je me suis rendu sur une plage vaudoise pour m’en rendre compte: en moins d’une heure, sans technique particulière, j’ai pu ramasser des dizaines de cotons-tiges, billes, bouchons et autres débris. Ici aussi, le plastique est roi.

«La situation en eau douce reste largement méconnue, même s’il semble qu’il s’agit là de l’origine principale de la pollution marine», écrit dans un rapport d’évaluation Luiz Felippe de Alencastro, du laboratoire central environnemental de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. Le chercheur a, dans une remarquable étude parue en 2014, quantifié la présence des microplastiques dans six lacs majeurs de Suisse. Son verdict: «Il apparaît que tous les lacs sont concernés par cette pollution, des microplastiques de tous types et de compositions variées pouvant être trouvés dans tous les échantillons.»

Les concentrations relevées sont du même ordre de grandeur que celles des milieux marins. Rivières, lacs et océans sont reliés comme des vases communicants. Nul besoin de disposer d’un littoral marin pour polluer: il suffit d’un rien pour que gobelets de café, bouteilles de soda et autres papiers de barres chocolatées arrivent dans l’eau d’une rivière ou d’un lac. Rien ne les empêche alors de descendre le Rhône et de se retrouver en Méditerranée puis ailleurs. Le plastique suisse contamine ainsi les océans à l’autre bout du monde.

Une fois dispersés par les courants, les débris sont perdus au sein des gyres océaniques, lieux de convergence des corps solides chahutés par les courants. Tordons le cou à cette imagerie d’Epinal tenace: les continents de plastique n’existent pas. «Il y a de plus fortes concentrations dans les gyres, mais en aucun cas un continent, on ne voit rien» assure François Galgani, océanographe à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) à Bastia. A titre de comparaison, la Méditerranée présente des concentrations en particules jusqu’à quatre fois plus élevées que dans le Pacifique, sans que personne ait jamais rapporté la présence d’îles de plastique!

Les débris se fragmentent sous l’effet des rayonnements ultraviolets du Soleil et de l’oxydation en de minuscules fragments de moins de 5 millimètres: les microplastiques. Il y en aurait plus de 50 milliards d’après les estimations les plus récentes. Selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), les micro-plastiques pèseraient jusqu’à 31% du plastique marin. Ils sont si petits qu’ils sont avalés sans distinction par les animaux marins. Ne leur reste plus qu’une étape pour qu’ils atterrissent dans une assiette. Retour à l’envoyeur…

Le péril plastique

Les scientifiques ne savent pas exactement dans quelle mesure les microplastiques affectent l’environnement. L’impact physique des gros morceaux est tristement connu: ingestion et étranglement s’avèrent souvent mortels pour les 250 espèces connues pour être vulnérables à ce matériau, parmi lesquelles albatros, pingouins, tortues et autres baleines. Mais pour les plus petits débris, des effets chimiques sont à craindre.

UNE MAJORITÉ DE PLASTIQUE est utilisée pour les emballages. (Source: PlasticsEurope)

Et le plus inquiétant est encore une fois invisible à nos yeux, car «la majorité des plastiques ont tendance à couler», dit Luiz Felippe de Alencastro. Dans une étude publiée en 2018, des chercheurs de l’Agence japonaise des sciences et technologies marines et terrestres ont rapporté dans la revue Marine Policy avoir catalogué 3425 débris de plastique au fond de l’océan Pacifique. Les microplastiques pèsent pour 33% dans cette pêche, dont 89% proviennent de produits à usage unique. Funeste record, un sac plastique a même été retrouvé à près de 11 000 mètres de fond dans la fosse des Mariannes, le point le plus bas de la planète.

Plus proche de nous, des microplastiques invisibles ont été retrouvés jusque dans de l’eau minérale en bouteille. Sur 250 bouteilles d’Evian, de Nestlé Pure Life ou encore de San Pellegrino testées par des chercheurs de l’Université de New York en 2017, 93% contenaient de telles particules. Ces déchets invisibles se trouvent aussi peut-être dans nos assiettes.

Des chercheurs de l’Université de Genève ont récemment détecté la présence fréquente de cadmium, mercure et plomb dans des déchets plastiques collectés sur les plages du Léman, parfois dans des concentrations très élevées dépassant le maximum autorisé par la législation européenne. «Les microplastiques s’accumulent surtout dans le tube digestif des poissons, qui est retiré avant la vente», souligne Stefan Kucsera, de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire, avant d’admettre que «des études ont toutefois prouvé leur présence dans les muscles».

(Bien) faire face

Nul besoin d’attendre les conclusions définitives des scientifiques: la progression exponentielle de la production de plastique exige de trouver des parades. Nettoyer, recycler, réduire ou encore innover: des solutions existent. Mais elles sont loin d’être égales.

Par exemple, les opérations de nettoyage des océans. L’une des plus célèbres est sans doute The Ocean Cleanup. Imaginée en 2012 par le Néerlandais Boyan Slat alors qu’il n’avait que 18 ans, elle a pour objectif d’attraper les plastiques marins grâce à des tubes flottants.

OCEAN CLEANUP, présentation du dispositif.

Construits en polyéthylène haute densité (sic), ils balaient la surface de l’eau afin de rassembler les débris, ensuite ramassés par des bateaux. Boyan Slat estime mettre à l’eau un premier véritable dispositif de nettoyage de 600 mètres de long d’ici à 2020. Et nettoyer 50% du plastique du Pacifique Nord en cinq ans.

Le discours de ce grand escogriffe chevelu séduit le grand public friand de success stories, mais les experts demeurent sceptiques. «Ramasser n’a de sens que si le déchet a une valeur. Or la plupart des déchets flottants ne représentent qu’environ 1% de ce qui tombe au fond et la plupart sont si abîmés que même les recycleurs n’en veulent pas», objecte François Galgani.

Si ramasser est peine perdue, pourquoi ne pas faire disparaître le plastique? Tel est le principe de la digestion enzymatique, qui vise à dissoudre ou transformer le plastique grâce à une enzyme, molécule capable d’accélérer une réaction chimique. Les scientifiques ont déjà mis la main sur de telles molécules: la bactérie Ideonella sakaiensis ou la fausse teigne de la cire (une chenille) en produisent naturellement. Plusieurs entreprises rêvent d’industrialiser le processus. Mais comme le ramassage, la digestion du plastique est un procédé lent. Et coûteux: il n’est pas rare que des enzymes dépassent les mille francs le gramme, rappelle François Galgani. Comment dès lors imaginer pouvoir dégrader les 8 millions de tonnes abandonnées dans la mer chaque année?

D’autres recherches portent sur la pyrolyse ou la gazéification des plastiques, qui consistent à les faire brûler à des températures précises et en contrôlant le taux d’oxygène, produisant ainsi des combustibles ou des gaz tels que le dihydrogène. Certains fabricants d’emballages travaillent enfin à la mise au point de plastiques de nouvelle génération. Ces derniers seraient conçus avec comme priorité le recyclage, ou bien seraient capables de se dégrader après utilisation. Trop d’emballages composites excluent aujourd’hui le recyclage.

Le recyclage gagnerait justement à être mieux considéré, juge Xavier Prudhomme. «Nous ne recyclons en Suisse que 20% du polyéthylène haute densité [PE-HD, celui des flacons et des bouteilles de lait, ndlr]. On pourrait faire beaucoup mieux!» Faute d’ordonnance fédérale comme il en existe pour le PET, le PE-HD, bien que collecté, est loin d’être systématiquement recyclé: il est soit brûlé, soit exporté. «Avec de la volonté politique, on pourrait valoriser en matière 100% du PE-HD des flacons en Suisse. Il y a une demande mondiale pour cela», ajoute l’entrepreneur qui trie chaque année 8000 tonnes de PET et 2000 tonnes de PE-HD.

Le défi posé par les plastiques est finalement plus politico-social que technologique. Ne dit-on pas après tout que le meilleur déchet est celui que l’on ne produit pas? Dans ce contexte, l’association Zero Waste et sa branche suisse se sont donné pour mission «d’œuvrer en faveur de la réduction des déchets et du gaspillage», peut-on lire sur leur site. Ceux qui s’y risquent doivent revoir toutes leurs habitudes: acheter leurs denrées en vrac, s’équiper en contenants réutilisables ou encore refuser les plastiques jetables. Un sacrifice qui paie, au vu des chiffres. Certains membres ont vu leur production de déchets chuter «de 600 à 18 kilos par an pour une famille jurassienne de quatre personnes, ou de 73 à 9 kilos pour une personne seule dans le canton de Genève», assure Gabrielle Camara, ambassadrice lausannoise de l’association.

Sans aller aussi loin, le public semble bien prendre conscience que le plastique nous fait marcher sur la tête. En témoignent le succès des Plastic Attacks un peu partout dans le monde. Plusieurs ont essaimé début juin dans quelques villes de Suisse. «Les consommateurs se sentent un peu pris en otage par la grande distribution qui impose le suremballage de certains produits», explique Frédéric Sohlbank, organisateur de la première Plastic Attack lausannoise. Avec ses comparses, il s’est planté devant des supermarchés et a récupéré dans un caddie tous les emballages superflus. Qu’il a laissés sur place, estimant que c’est au vendeur de les prendre en charge. «Nous avons reçu un bon accueil du public mais aussi des enseignes. Si on arrive à toucher leur conscience écologique, c’est déjà ça.»

La question occupe l’agenda politique en Suisse. En mars, le Grand Conseil valaisan a accepté un postulat pour l’installation de plates-formes de déballage dans les grandes surfaces. Un règlement similaire a été accepté à Zurich. Fidèle à sa tradition, la Confédération préfère laisser faire plutôt que de légiférer. Elle s’appuie pour cela sur la récente mesure des sacs en plastique payants, mis sur pied par les entreprises et qui a permis une baisse de 80% des sacs utilisés en magasin en un an. «Cette mesure a pris des années à voir le jour, elle aurait pu être appliquée il y a plus de quinze ans!» s’étouffe Frédéric Sohlbank.

Plusieurs pays sont déjà passés à l’action. Aider les pays les plus pauvres à juguler leurs déchets bénéficierait à tous. L’Europe a proposé en mai l’interdiction pure et simple de «dix produits en plastique à usage unique les plus présents sur les plages et dans les mers européennes», parmi lesquels pailles, sacs plastique ou encore cotons-tiges. Sans action concrète et audacieuse, la Suisse sera à la traîne et continuera de brûler ses nombreux déchets, tandis que l’Europe ne les produira plus. De quoi faire tache au pays du recyclage.

Attention aux fausses bonnes idées

Prêt à agir pour protéger la planète? Quelques gestes peuvent véritablement réduire votre «empreinte plastique». Mais gare aux changements hâtifs: certains substituts ont une lourde empreinte écologique, rendant le remède pire que le poison. Nos conseils avec Sébastien Humbert, expert environnemental au cabinet de conseil en développement durable Quantis à Lausanne.

#1 Relâcher sa vigilance en vacances
Réduire son empreinte plastique tout au long de l'année, c'est bien. Mais tout le bénéfice peut être annulé en cas de relâchement lors des vacances, en particulier dans des pays maritimes, et surtout dans les pays en difficulté avec la gestion des déchets. Exemple aux Philippines, le taux de plastique qui se perd dans la nature est de l'ordre de 30%, soit cent fois plus qu'en Suisse! Même jetés à la poubelle, les déchets ont de fortes chances de finir dans l'océan. «Si l'on veut vraiment minimiser son empreinte plastique, c’est surtout lors des voyages en Asie du Sud-Est ou sur le pourtour de la Méditerranée qu’il faut redoubler d’attention» et limiter autant que possible sa consommation, prévient Sébastien Humbert.

#2 Acheter en vrac en brûlant de l'essence
Vouloir réduire sa consommation de plastique en allant faire ses courses chez le producteur ou dans une épicerie en vrac est une bonne idée...«à condition de ne pas brûler plus de pétrole [qu'il n'aurait été utilisé pour fabriquer ce plastique, ndlr] en parcourant des kilomètres en voiture», dit Sébastien Humbert. Chaque kilomètre parcouru équivaut à une bouteille en plastique brûlé, estime le spécialiste. Alors pour rester respectueux de la planète, l'idéal est encore d'aller faire ses courses à pied, en métro ou à vélo.

#3 Boire dans une bouteille en verre
Verre contre PET, lequel est le plus écolo pour transporter de l’eau? «En général le verre est une fausse bonne idée, relève Sébastien Humbert. Sa fabrication et son recyclage ont une plus grande empreinte écologique que celle du plastique». L’inox utilisé pour de nombreuses gourdes nécessite lui aussi des ressources plus importantes, dont du chrome et du nickel qu'il faut extraire, fondre, transporter, etc. Mais ces gourdes constituent une bonne alternative aux bouteilles à usage unique puisqu’elles sont réutilisées de nombreuses fois. Autre alternative, conserver une bouteille en PET et la remplir à chaque fois... avec de l’eau du robinet.

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