Naviguer à la voile d’un bout à l’autre du Léman et retour, le plus vite possible. L’équation posée par le Bol d’Or Mirabaud n’a rien de bien sorcier mais elle est géniale: assez simple pour titiller tous les navigateurs, suffisamment complexe pour qu’aucun n’ait jamais l’impression de l’avoir pleinement résolue. Ils font le tour du lac mais jamais de la question, alors ils recommencent chaque année, sans faute, depuis 1939.
Ce samedi 9 juin, le Bol d’or vivra sa 80e édition. Chacune a eu son histoire. En 1980, un multicoque triomphait pour la première fois sur le Léman. En 1994, l’équipage du Triga IV signait le record de rapidité de l’épreuve en 5h01'51''. En 2017, dans des conditions de bise exceptionnelle, deux Décision 35 restaient au coude-à-coude pendant plus de cinq heures de course pour ne terminer qu’à 94 secondes d’écart l’un de l’autre.
Mais plus encore, chacune des éditions du Bol d’or à ses histoires. Il y en a autant que de navires au départ (près de 600 cette année). Sur tel petit voilier, un père fait équipe avec son fils pour la première fois. Sur tel bolide technologique optimisé par les meilleurs architectes navals, un ambitieux a le sentiment de dompter le Léman comme il ne l’a jamais été. Aux uns le goût particulier des bières partagées entre amis au beau milieu d’une régate vécue comme un moment suspendu, aux autres la quête de la performance pure, à quelques-uns l’ivresse rare de la victoire. A tous, enfin, la magie d’une épreuve qui n’a pas choisi entre la compétition de très haut niveau et la fête populaire sans que cela dérange personne.
Raconter la grande histoire de la plus importante régate du monde en bassin fermé, c’est donc forcément raconter les petites histoires de celles et ceux qui l’ont pensée, façonnée, gagnée. A l’occasion de la 80e édition de la régate, les organisateurs ont, pour leur rendre hommage, fait éditer un album de bandes dessinées, dont les illustrations de cet article sont issues. Car au-delà des records, des statistiques, des réglages, le Bol d’or est une fantastique aventure humaine.
Au fil du temps et de l’eau, Mirabaud s’est forgé un nom dans la voile en parfaite résonnance avec son activité : réunir autour d’objectifs communs des personnalités de talent. Le Groupe s’engage à soutenir des projets et des personnalités qui incarnent la performance et l’excellence, des valeurs qui lui sont chères.
Bol d’Or Mirabaud, douze ans de partenariat actif
Mirabaud est sponsor du Bol d’Or Mirabaud depuis 2005. Lors de chaque régate, il affrète trois bateaux de type «Surprise»
et invite ses collaborateurs à former des équipes et à s’aligner au départ de la course. Ils ont inscrit plusieurs fois leur
nom au palmarès.
Un partenaire engagé pour des sportifs de haut niveau
Mirabaud a soutenu durant trois ans (2014-2016) l’écurie professionnelle de course à la voile Spindrift racing, vainqueur
notamment en 2016 du Bol d’Or Mirabaud et du D35 Trophy sur le D35 Ladycat. Le Groupe a également soutenu le navigateur genevois
Dominique Wavre durant sept ans (2010-2016), notamment lors de la Barcelona World Race (2010-2011), la Transat Jacques Vabre
(2011) et le Vendée Globe (2012). Quant à Mike Horn, il a effectué différents périples extrêmes à la voile sous les couleurs
du Groupe.
Mirabaud en bref
Mirabaud propose à ses clients des services financiers et des conseils personnalisés dans trois domaines d’activité: le Wealth
Management, l’Asset Management et le Brokerage. Le Groupe emploie quelque 700 collaborateurs et compte 13 bureaux en Suisse,
au Royaume-Uni, au Luxembourg, en France, en Espagne, en Italie, au Canada et aux Emirats arabes unis.
Pour plus d’informations, veuillez consulter le site www.mirabaud.com.
A chaque époque son imaginaire collectif. Dans les années 1930, les gens se passionnent pour tout ce qui touche au Far West. Les récits d’aventures, les histoires de cow-boys et d’Indiens font fureur, jusque dans la bonne société genevoise.
Du Club nautique des Faces Pâles, ils sont six à convertir l’idée de la conquête de l’Ouest en une plus locale conquête du lac. Après avoir organisé une régate Genève-Nyon-Yvoire-Genève en 1937, puis les 12 heures du Léman en 1938, ils affrètent leurs voiliers de bois – des 6 mètres JI pour les plus rapides – pour un aller-retour Genève-Le Bouveret en 1939. Par un temps épouvantable, le Bol d’or est né.
Des membres fondateurs, l’histoire a surtout retenu le nom de Pierre Bonnet, qui passait pour la principale force motrice du petit groupe. Après avoir personnellement enregistré les inscriptions, le médecin genevois était lui-même au départ de la première édition, qui a réuni 26 embarcations. «A l’époque, Pierre Bonnet s’est entendu dire qu’il était fou d’organiser une course pareille, rapporte Bernard Schopfer, auteur du livre La légende du Léman, paru en 2012 aux Editions Slatkine. Mais les navigateurs le respectaient, puisqu’ils l’ont suivi…»
Si le Bol d’or est une folie, c’est celle de l’irréalisé, pas de l’irréalisable. Une folie tout entrepreneuriale, qui se saisira, à travers les époques, de nombreux hommes aisés, galvanisés par le défi lémanique. C’est de ce milieu qu’est issu Fred Firmenich, qui remporte le premier Bol d’or en 23h08'34'' à l’âge de 64 ans sur son voilier Ylliam IV.
En ce temps-là, tout ou presque était à inventer en matière de voile. Le développement de la discipline était donc tributaire des fortunes capables (et désireuses) de financer régulièrement, tous les deux ou trois ans, la construction d’un nouveau bateau, un peu plus perfectionné que le précédent.
Aux débuts du Bol d’or bien plus qu’aujourd’hui, la voile est aux mains d’un tout petit monde élitiste, qui préserve son cocon. «A l’époque déjà, des marins étaient payés pour fonctionner sur les bateaux, mais ils pouvaient à peine aller boire une bière au restaurant à l’arrivée, contextualise Bernard Schopfer. La frontière entre les différentes classes sociales était beaucoup plus nette qu’aujourd’hui.» Les grandes régates, Bol d’or en tête, ont contribué à faire se rapprocher les hommes autour de leur passion commune. Sur le voilier, il n’y a plus de formules de politesse mais, pour quelques heures, un destin commun.
De nombreux succès sur le Bol d’or furent ainsi les fruits d’une rencontre entre des hommes capables de financer le rêve, et d’autres susceptibles de le réaliser. A la barre d’Ylliam IV, Fred Firmenich pouvait compter sur Louis Noverraz, pas né sous la même étoile mais à Lutry, au bord d’un lac qu’il passera sa vie à apprivoiser.
«Il s’agit sans doute du plus illustre membre de la Société nautique de Genève, estime Rodolphe Gautier, président du comité d’organisation du Bol d’or. Le premier, il a donné à la voile lémanique ses lettres de noblesse sur le plan international.»
Si le Bol d’or a plus tard attiré des grands noms comme Loïck Peyron, Eric Tabarly, Ellen MacArthur ou Michel Desjoyeaux, c’est peut-être parce que des hommes de la trempe de Louis Noverraz y ont fait leurs armes avant. «Les marins cultivés comme Olivier de Kersauson connaissent et respectent son importance», souligne Bernard Schopfer. Les équipiers du Vaudois le craignaient, dit-on. Ils étaient aux ordres. Dans les souvenirs, l’homme est resté comme l’archétype du marin de tempérament, plus attaché à ressentir l’humeur du lac que celles de ses congénères. Ses succès «à la maison» et bien au-delà (médaille d’argent aux Jeux olympiques de 1968 à Mexico) ont contribué à forger la légende sportive de la voile lémanique.
Il fut un temps où sa pratique avait presque une valeur de résistance. Naviguer pour que la vie continue… Chaque année, les équipages sont confrontés au même dilemme: longer la côte suisse ou se rapprocher de la France pour capter les meilleurs airs. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ils n’avaient pas le choix. Il ne fallait pas dépasser le milieu du lac, au risque bien réel d’être pris pour cible… Tandis qu’à quelques kilomètres de là, des hommes se battaient, certains se démenaient pour le Bol d’or. Pierre Bonnet a ainsi plusieurs fois négocié avec des généraux allemands pour que la régate ait lieu.
Avec le recul, l’effort peut paraître futile. Il révèle pourtant la nature de la passion; grand feu intérieur entretenu envers et contre tout, parfois au défi de toute rationalité, parfois au mépris des balles qui sifflent. Dans ces circonstances si particulières, la petite histoire se mêle forcément à la grande.
Le palmarès officiel du Bol d’or retient ainsi la victoire d’Edouard Thévand et de son 6 mètres JI en 1944. Mais l’homme n’était en réalité pas à bord, mobilisé de l’autre côté de la frontière. Pour le remplacer sur le Véga, son épouse Riquette, devenue ainsi la première femme à remporter la régate.
Fondé aux prémices de la guerre, le Bol d’or y survit et continue son épopée sportive de plus belle lorsque l’Europe se pacifie. Au-delà d’un format jamais remis en cause, la régate prend petit à petit la forme qu’on lui connaît avec, par classes de bateaux, des courses dans la course qui multiplient les enjeux.
Naissent aussi de véritables héros du Léman. Philippe Durr gagnera le Bol d’or en monocoque et en multicoque pour un total record de sept victoires, à égalité avec son compère Philippe Stern et Pierre-Yves Jorand. Il s’exportera aussi avec succès en multipliant les titres de champions de Suisse, d’Europe et du monde.
Fils d’un constructeur de bateaux devenu patron de son chantier naval, «Phil» Durr ne tient pas sa place dans l’histoire du Bol d’or que par ses performances. Il navigue autant qu’il réfléchit à comment mieux naviguer, il barre autant qu’il imagine de nouveaux voiliers. «Il s’agit d’un des derniers touche-à-tout: excellent régatier mais aussi artisan, un vrai Monsieur du Léman», commente Rodolphe Gautier. Personnage apprécié pour son humilité et sa simplicité, il incarne le triomphe tranquille de la voile lémanique qui laisse ses réalisations et ses performances parler plutôt que de trop en rajouter.
Ses dernières victoires sur le Bol d’or, Philippe Durr les a conquises en collaboration avec une autre figure incontournable de la régate: Philippe Stern. Homme discret, décrit comme «un parfait gentleman», l’ancien patron de Patek Philippe est de ceux qui ont fait du Léman un véritable laboratoire technologique au service de la voile internationale. «A titre personnel, je le considère comme la référence absolue, confie Rodolphe Gautier, président du comité d’organisation. Il a osé se poser contre l’establishment pour imposer les multicoques sur le Léman, il a suivi ses idées en acceptant la notion de risque.»
C’est sur son voilier Altaïr XI qu’est installé le tout premier mât en carbone du monde, avant de s’imposer partout sur la planète voile. En 1992, le premier mât L voit également le jour grâce à lui, avant d’apparaître sur la Coupe de l’America. Mais ces projets restent toujours le fruit d’un travail d’équipe.
Autour de Philippe Stern, qui finance, on trouve ainsi Bernhard Dunand, qui dessine les bateaux, et Philippe Durr, qui les construit. D’autres relèvent le challenge et petit à petit, la voile lémanique progresse grâce à l’envergure financière de quelques armateurs, aux idées des architectes navals et au talent des régatiers.
Les deux dernières décennies du XXe siècle tournent à la course à l’armement. Les bateaux coûtent de plus en plus cher pour être de plus en plus performants. Pour inclure le détail qui fera la différence. Jusqu’au jour où apparaît le Black d’Alinghi. Un bateau exceptionnel, tant par le prix de son développement – on parle de deux millions de francs – que par ses performances.
De 2000 à 2003, il remporte le Bol d’or quatre fois de suite. La concurrence est écrasée. Et personne n’aime les courses sans enjeu. Même ceux qui les gagnent. A vaincre sans péril… «Son propriétaire a alors eu l’intelligence de le retirer car plus personne ne pouvait suivre», rappelle Bernard Schopfer.
Son propriétaire, c’est Ernesto Bertarelli. L’homme n’a découvert la voile de compétition que vers l’âge de 25 ans, mais il s’y est ensuite investi énormément, jusqu’à faire triompher Alinghi lors des Coupes de l’America en 2003 et en 2007. Il est aujourd’hui une des figures les plus connues du milieu de la voile lémanique, où son engagement suscite l’admiration. Alinghi, installé sur un Décision 35 depuis que cette série de bateaux a vu le jour en 2004, figure toujours parmi les meilleurs équipages du Léman. Mais malgré des navigateurs professionnels de haut niveau, il ne gagne pas chaque année, loin de là: le Léman conserve ses sautes d’humeur, ses mystères. Et ils sont nombreux à vouloir les percer.
Depuis quelques années, le Bol d’or est presque devenu une affaire de famille pour les Bertarelli. Aux ambitions d’Ernesto se sont plus récemment ajoutées celle de sa sœur, Dona. Leur passion commune vient des virées, en voilier et en famille, autour de l’île d’Elbe, en Toscane, lorsqu’ils étaient jeunes. Ils étaient alors sur le même bateau.
Aujourd’hui, l’un se consacre à Alinghi, l’autre a monté son propre équipage professionnel, Spindrift. Samedi, elle aura une dernière occasion de remporter le Bol d’or une troisième fois en cinq ans et, ainsi, d’avoir le droit de conserver le trophée, ce que n’ont réussi à faire que trois équipages à ce jour: Marie-José II (victoires en 1961, 1962, 1963), Altaïr XI (1980, 1982, 1984) et Alinghi (1997, 2000, 2001).
Ce ne serait pas le premier exploit vélique de Dona Bertarelli. Elle s’est imposée sur le tard mais rapidement dans cet univers extrêmement concurrentiel. Cela ne va pas sans lui valoir quelques détracteurs, comme lorsqu’elle a décidé cette année de modifier son Ladycat au point qu’il ne soit plus considéré comme un Décision 35, afin de mettre toutes les chances de son côté pour décrocher définitivement le Bol d’or. Les grands projets ne vont pas sans quelques regards en coin: Pierre Bonnet en a sans doute essuyé quelques-uns lorsque ses Faces Pâles ont émis l’idée d’une traversée du Léman…
Samedi, sur un voilier ou l’autre, sur une rive ou dans un berceau, se cacheront peut-être les figures qui marqueront l’histoire de la reine des régates ces prochaines années. «Entre tous ceux qui restent dans les mémoires, je vois en commun une capacité à rebondir, à poursuivre la quête au-delà des échecs, synthétise le président de l’organisation Rodolphe Gautier. La relève vélique n’a jamais été aussi prometteuse dans la région. J’ai le sentiment que le Bol d’or sera de plus en plus disputé.»
D’un bout à l’autre du Léman et retour, l’aventure humaine continue.
«Le Bol d’or, 80 ans de régate sur le Léman» est un album de bandes dessinées édité à l’occasion de la 80e édition de l’événement et pour lequel le Bol d’Or Mirabaud a fait appel à la société PerspectivesArt9.
L’ouvrage, en vente ce week-end à la Société nautique de Genève et en librairies, retrace l’histoire de la régate à travers treize histoires de quelques pages, scénarisées par Patrick Mallet et chacune mise en images par un dessinateur différent, dans des styles très variés. Derib a par ailleurs signé la couverture.
Certaines planches peuvent également être retrouvées dans le cadre d’une exposition alliant bandes dessinées et photos sur les quais de Genève, de la Rive droite à la Rive gauche. A découvrir en se promenant jusqu’au 17 juin 2018.