L’emploi suisse sous la loupe (1991-2016)

En près d’un quart de siècle, le marché du travail suisse s’est transformé. L’industrie a perdu un quart de ses employés, tandis que le secteur public a pratiquement doublé de taille. Sous pression, la finance et le commerce de détail ont perdu des plumes, tandis que d’autres métiers se sont développés.

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 1  Santé, social, enseignement, culture

Pendant que l’industrie dégringolait (point 2), c’est ce secteur, en grande partie public, qui enflait. «C’est en grande partie lié à l’évolution démographique», explique Giovanni Ferro-Luzzi, professeur et spécialiste du marché du travail à l’Université de Genève et à la Haute école de gestion. Le vieillissement de la population implique en effet un développement des infrastructures dans la santé. De son côté, Michael Siegenthaler, expert du marché du travail au KOF, centre de recherche économiques de l’EPFZ, avait noté cette évolution depuis plusieurs année: il y a certes le vieillissement de la population, mais aussi le fait qu’on veut des soins qui soient toujours de meilleure qualité, des services d’encadrement pour les enfants, etc. On ne transige pas avec le bien-être, d’où un gonflement de ce domaine, explique-t-il. A noter que l'administration publique a également vu le nombre de ses employés augmenter.

 2  Industrie

La chute de l’emploi industriel est le développement le plus attendu. D’un peu plus de 800000 emplois en 1991, il a perdu près d’un quart de ses postes, avec un total de 622029 emplois à fin 2014. Pourtant, tous les sous-secteurs ne souffrent pas. Certains, comme l’horlogerie ont vécu une forte croissance, lié à la montée en puissance des consommateurs chinois, avant de subir un coup d’arrêt, souligne Giovanni Ferro-Luzzi. En revanche, poursuit-il, l’industrie «plus traditionnelle souffre davantage de la concurrence étrangère et de la mondialisation, comme celle du textile». Enfin, les marchés de niche, comme la pharma ou l’industrie de pointe, «s’en sortent bien, ce qui montre la force de ce secteur, malgré la concurrence internationale».

 3  Immobilier et construction

Victime de l’éclatement de la bulle immobilière des années 1990, le secteur s’est d’abord ratatiné, en perdant un quart de ses emplois. Avant de se ressaisir au début des années 2000 avec un retour de la croissance. Ces dernières années, l’immigration, la croissance, les taux bas ont conduit à une hausse parfois inquiétante des prix de l’immobilier. Le marché du travail dans ce secteur n’est toutefois pas revenu à son niveau d’il y a 23 ans.

 4  Activités scientifiques et techniques

C'est le domaine des services qui a le plus grandi au cours des deux dernières décennies. «Normal, selon Giovanni Ferro-Luzzi, comme dans tous les pays, les services se sont développés après l'industrialisation». Cela représente, en moyenne, en Europe et aux Etats-Unis, les trois quarts de la valeur ajoutée produite dans les pays. Même si la Suisse a gardé une industrie inhabituelle solide par rapport à cette catégorie de pays, elle n'a pas échappé à la tendance à l'expansion des services.

 5  Commerce de détail

C’est l’un des domaines les plus touchés par le développement d’Internet. Le commerce de détail souffre de la concurrence des sites de ventes en ligne, basés en Suisse ou à l’étranger, qui propose des prix plus abordables et des livraisons rapides. Et la tendance risque de continuer.

 6  Finance

Au cours deux dernières décennies, les emplois ont augmenté dans la finance. Mais il ne faut pas s’imaginer une hausse stable et continue: «Dans ce domaine, tout va très vite, les emplois se créent et se détruisent rapidement», souligne Giovanni Ferro-Luzzi. Et la suite n’augure pas d’une poursuite de l’expansion: «Avec la mise à mal du secret bancaire, la situation générale des taux d’intérêt bas, de la difficulté de maintenir les marges, la finance risque plutôt de couper dans ses effectifs.» Et c’est sans compter sur l’arrivée de nouveaux acteurs, les fintech, qui brisent les codes du domaine.


Textes: Mathilde Farine
Collecte des données: Marie Parvex